L’installation est composée de 13 grandes souches de pins Douglas issues de forêts détruites par une tempête (épiphénomène) au sud de la Saône-et-Loire, en décembre dernier, en une nuit. Ces forêts ont été façonnées par le père de l’artiste ; elles jouxtent la maison de son enfance : elles font figure de « massif racine ». Depuis plus de quatre mois, c’est une campagne photographique entreprise dans la continuité de la commande Derrière la retenue (Fondation Facim, EDF, Actes Sud) qui favorise l’étude et la compréhension d’un chaos bouleversant. Ce nouveau travail de prises de vue vise ainsi à faire l’état des lieux d’un paysage intime renversé, d’arbres à terre, de souches monstrueuses arrachées par des vents de 150 km/h, aujourd’hui récurrents, et témoigne aussi du bouleversement climatique dans nos paysages les plus ordinaires. Ce dernier évoque la violence des tranchées, les arbres mutilés de la Grande Guerre. Le vent a occasionné des mikados précaires – chablis – qui déstructurent l’orthogonalité propre aux plantations en futaie. Les souches sont les vestiges de 50 à 60 années d’un travail toujours manuel, de soins constants. Elles forment le substrat de cette forêt. Dénuées de valeur commerciale, leurs caractéristiques esthétiques sont saisissantes, elles attestent autant de l’arrachement que de l’attachement à la terre. Le site des Hortillonnages d’Amiens devient le nouveau cadre de ce système racinaire. Les 13 grandes souches sont installées dans la perspective de la Cathédrale d’Amiens ; elles forment un ensemble magmatique, musculeux, de vastes fragments décapités et enchevêtrés. La quiétude estivale et la planéité du site, son ouverture sur le ciel et la proximité immédiate du rieu autorisent un contraste fort avec leur relief d’origine ; l’installation évoque une image de la violence au repos : la fin d’un drame en attendant le suivant…
L'artiste
Sylvie Bonnot