
©Camille Benbournane
Ab aquis constitue le cinquième chapitre du cycle narratif de Camille Benbournane. Les précédents prenaient forme entre Bordeaux et la Charente-Maritime, se déployant ensuite le long du fleuve Gironde et du littoral atlantique. Ce nouvel épisode s’ancre dans une autre source d’eau : la Somme.
Un fil rouge relie ces différents récits : ils se répondent, s’entrelacent, s’enrichissent mutuellement. Ce fil, c’est celui de la montée des eaux, du réchauffement climatique et de l’extinction du vivant. Le motif central en est la ruine, envisagée comme un lieu de contemplation et de réflexion.
À l’image des friches urbaines explorées par les adeptes de l’urbex, ou des cités englouties, la ruine fascine. Elle parle directement à celles et ceux qui la regardent. Imaginer que, derrière ces pierres recouvertes de végétation, ces roches envahies d’algues, ou ces usines désertées, il y eut autrefois une vie, des allées et venues, des rituels, des célébrations… Contempler la ruine, c’est effleurer l’éternité tout en se confrontant à la finitude.
Camille Benbournane interroge : comment cela finira-t-il ? Sommes-nous les derniers habitant·es d’une planète encore vivable ? Et pour combien de temps encore ?
Dans ses chapitres précédents, l’artiste explorait la résilience, imaginant une hybridation entre toutes les formes de vie. Des êtres égalitaires émergeaient, abolissant la centralité humaine : plantes, crustacés, coquillages, insectes, bactéries, mammifères, champignons coexistaient dans un monde post-anthropocène.
Mais dans Ab aquis, cette dynamique semble figée. Il n’est plus question de métamorphoses, mais de cristallisation, de calcification. Ces céramiques seraient-elles les corps pétrifiés de ces êtres hybrides ?
Et pourtant, une trace de vie persiste : l’eau, toujours jaillissante, toujours capable de se frayer un chemin.
Ab aquis, littéralement des eaux, prend la forme d’un escalier de fer et de pierre en ruine, recouvert de céramiques, certaines transformées en fontaines. Cette sculpture évoque le vestige d’une civilisation oubliée. On ignore qui elle était, à quelle époque elle a existé. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que des bouleversements atmosphériques violents et les fluctuations des eaux ont précipité sa disparition.
Cette civilisation semble partager bien des traits avec la nôtre.
Les céramiques qui envahissent l’architecture rappellent des créatures ou plantes hybrides : mousses, lichens, champignons, coraux. Les repères se brouillent : ce vestige émerge-t-il des eaux de la Somme, ou est-il en train d’y sombrer ?
L'artiste
Camille Benbournane